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Modification de rémunération et résiliation judiciaire du contrat

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Ce 12 juin 2014, la Chambre sociale de la Cour de cassation vient de rendre deux arrêts importants et d’ores et déjà largement commentés. Deux thèses s’affrontent. Certains affirment que la Cour de cassation opère un revirement de sa jurisprudence. D’autres estiment au contraire qu’il s’agit juste d’un recadrage sans conséquence sur le régime de la modification du contrat de travail.

 

Qu’en est-il exactement ?

 

L’on sait que lorsque le salarié estime que son employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles, il peut saisir le conseil de prud’hommes et demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

 

La Cour de cassation considérait jusqu’à présent qu’en modifiant unilatéralement la rémunération du salarié, l’employeur manquait à ses obligations justifiant le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts. C’est ainsi par exemple qu’elle a jugé, le 10 octobre 2007 (pourvoi n° 04-46468) qu’ « en modifiant unilatéralement la rémunération (et les fonctions contractuelles du salarié), l’employeur avait manqué à ses obligations, ce qui justifiait le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ». Le 18 mai 2011 (pourvoi n° 09-69175), la haute juridiction a même précisé que « la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu importe que l’employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié ».

 

Par son premier arrêt du 12 juin 2014 (pourvoi n° 13-11448), la Cour de cassation décide pour la première fois que la modification unilatérale de la rémunération qui n’influe pas défavorablement sur la rémunération du salarié ne justifie pas une résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur.

 

Dans cette affaire, le salarié avait été engagé en 2007 en tant qu’attaché commercial. Son contrat de travail prévoyait le versement d’une rémunération fixe complétée par des commissions calculées à des taux variables par référence à une grille annexée à son contrat. Un avenant à son contrat lui a été proposé en mars 2008 à effet rétroactif au 1er janvier en vue de la modification de sa rémunération. Dénonçant la modification unilatérale de son contrat, le salarié a décidé de saisir la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur. Il expliquait ainsi que le mode de rémunération contractuel constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode soit plus avantageux. La Cour de cassation n’est pas strictement de cet avis car, selon elle, la modification appliquée par l’employeur n’avait pas exercé d’influence défavorable sur le montant de la rémunération perçue par le salarié pendant plusieurs années, de sorte que cette modification n’était pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

 

Chaque mot employé par la Cour de cassation dans son attendu est important. En effet, elle retient bien que la modification de la rémunération constitue un manquement de l’employeur, peu importe qu’elle soit ou non profitable au salarié. Simplement, le juge prud’homal étant saisi d’une demande de résiliation judiciaire qui exige des manquements suffisamment graves, il est considéré que la modification de la rémunération étant plus avantageuse pour le salarié, elle ne suffit pas à elle seule à justifier la demande de résiliation judiciaire.

 

Le second arrêt rendu le même jour (Soc. 12 juin 2014 pourvoi n° 12-29063) est dans la droite ligne du précédent. Il retient en effet que la modification de la rémunération qui porte sur un faible montant ne justifie pas une résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur.

 

Il était ici question d’un VRP qui reprochait à son employeur d’avoir unilatéralement modifié son taux de commissionnement à la baisse. Il avait ainsi saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur. Là encore, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel et rejette la demande du salarié. Elle décide en effet que la créance de salaire résultant de la modification unilatérale du contrat de travail représentait une faible partie de la rémunération, de sorte que le manquement de l’employeur n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail.

 

Ainsi, la Cour de cassation réaffirme qu’une modification unilatérale des conditions de rémunération constitue bien un manquement de l’employeur mais ne justifie pas, lorsque cette modification porte sur un faible montant de la rémunération, la résiliation judiciaire du contrat.

 

Aussi, avec ces deux décisions, la haute juridiction complète son analyse des nouvelles conditions de recevabilité de la prise d’acte et de la résiliation judiciaire du contrat de travail. Dans deux décisions du 26 mars, elle a en effet précisé :

– qu’un salarié ne peut invoquer le non-respect par son employeur de son obligation légale relative à la visite de reprise pour demander la résiliation judiciaire de son contrat si sa demande intervient six mois après son retour,

– que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

 

Elle donc ajoute aujourd’hui que la modification de la rémunération ne justifie la résiliation du contrat aux torts de l’employeur que si celle-ci a une influence défavorable sur la rémunération ou si elle concerne une partie importante de la rémunération.

Mais cela ne signifie pas que le salarié ne peut pas s’opposer à la modification de son contrat par l’employeur, la Cour de cassation rappelant à juste titre que la modification unilatérale du contrat constitue bien un manquement de l’employeur. Ainsi, si le salarié refuse la modification de son contrat, l’employeur n’a d’autre choix que de poursuivre le contrat aux conditions antérieures ou de le licencier, mais alors le motif de licenciement risque d’être invalidé par le juge prud’homal.

Jean-philippe SCHMITT
Avocat à DIJON (21)
Spécialiste en droit du travail
11 Bd voltaire
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03.80.48.65.00

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Travail à domicile : l’employeur peut-il imposer un changement ?

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Dans cette affaire, une clause du contrat de travail d’une salariée prévoyait, sur un mode purement alternatif, que cette dernière exercerait ses fonctions :
-soit dans un établissement de l’employeur, à Paris ou à Fontenay-sous-Bois,
-soit à son propre domicile.

La salariée travaillait initialement à son domicile. Or, son employeur a, à un moment donné, souhaité qu’elle vienne travailler dans l’établissement situé à Fontenay-sous-Bois, ce que la salariée a refusé en expliquant qu’elle entendait exécuter son contrat de travail à son domicile comme cela avait été convenu.

Le contrat de travail prévoyant la possibilité d’exercer les fonctions dans plusieurs lieux, la questiopn posée était de savoir si cette nouvelle organisation constituait :
– un simple changement des conditions de travail que l’employeur peut décider seul,
– ou une modification du contrat de travail nécessitant l’accord de la salariée.

Dans son arrêt du 12 février 2014 (n° 12-23051), la Cour de cassation considère qu’à partir du moment où l’employeur et le salarié ont convenu d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail à domicile, l’employeur ne peut pas modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié.

La haute juridiction reprend ainsi sa jurisprudence sur l’horaire de jour et l’horaire de nuit. Si les parties conviennent d’une répartition du travail en horaires de jour et de nuit, l’employeur ne peut imposer de n’affecter le salarié plus qu’à un horaire de jour ou à un horaire de nuit.

Il s’agit en effet d’une modification du contrat qui nécessite l’accord du salarié.

Jean-Philippe SCHMITT
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