Dirigeant et salarié : possibilité de prouver le contrat de travail « apparent » avec des bulletins de paie
Le mandataire social, qui se prétend également titulaire d’un contrat de travail dans la même entreprise, doit démontrer le caractère réel de son contrat et en particulier l’existence d’un lien de subordination, ainsi que la possibilité d’isoler les fonctions salariées. L’existence ou non d’un lien de subordination sera ainsi recherchée par les juges en cas de litige pour écarter ou non la validité du contrat de travail.
L’on ne peut en effet être salarié « sous sa propre autorité ».
Ainsi, sous certaines conditions, un dirigeant de société peut cumuler un contrat de travail avec son mandat social. Toutefois, à l’occasion de la révocation de son mandat de dirigeant, il peut arriver que son employeur lui conteste la qualité de salarié, par exemple pour ne pas avoir à lui verser des indemnités de licenciement.
Pour faire valoir sa qualité de salarié, à défaut de démontrer l’existence d’un contrat de travail, le dirigeant peut démontrer l’apparence d’un contrat de travail, à charge ensuite pour l’employeur de faire la preuve du caractère fictif de ce contrat apparent.
Dans un arrêt du 30 avril 2014 (12-35219), la Cour de cassation a admis qu’une associée égalitaire et gérante d’une société (SARL) fasse la preuve de l’existence d’un contrat de travail « apparent » par la seule production de bulletins de salaire mentionnant l’emploi correspondant aux fonctions techniques qu’elle exerçait en tant que salariée.
Jusqu’alors, lorsqu’un dirigeant revendiquait la qualité de salarié, la Cour de cassation estimait que la production de bulletins de salaire et la notification d’une lettre de licenciement étaient à elles seules insuffisantes à créer l’apparence d’un contrat de travail (Soc. 10 juin 2008, n° 07-42165 – Soc. 7 novembre 1995, n° 92-41132).
Cette jurisprudence vient donc d’évoluer mais ne va pas jusqu’à affirmer que la production de bulletins de salaire suffit à établir automatiquement l’existence d’un contrat de travail apparent. En effet, les juges du fond disposent du pouvoir d’apprécier la valeur des éléments de preuves qui leur sont présentés et donc de prendre en compte les pièces et arguments avancés en réplique par l’employeur, comme le caractère fictif du contrat.
A cet égard, la Cour de cassation relève que, pendant une période où l’intéressée était associée mais n’était investie d’aucun mandat social, l’absence de cotisations d’assurance chômage ne suffisait pas à exclure l’existence d’un contrat de travail.
Jean-philippe SCHMITT
Avocat à DIJON (21)
Spécialiste en droit du travail
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